Ce texte est tiré de l’argumentaire mis en ligne par le Département du territoire (DT) et qui peut être consulté à l’adresse suivante :
https://www.ge.ch/document/contraception-regulation-faune

Utiliser une méthode contraceptive peut-elle être une alternative à la régulation par le tir ?

Non, cette solution ne paraît en l’état pas adaptée pour contenir les effectifs de cerfs des Bois de Versoix ou même d’autres espèces pour les raisons suivantes :

Ethique

Les animaux sauvages doivent pouvoir évoluer le plus librement possible selon leur bon vouloir et leur biologie propre, avec le moins d’interférences possibles. Naitre, se reproduire et mourir font partie intégrante de la vie sauvage et l’omniprésence de l’homme et de ses besoins ne doit pas affecter ces processus naturels. La reproduction influence les comportements de chaque espèce de manière forte : elle induit des comportements de migration, de dominance, de transmission des gênes et de regroupements que la contraception va incontestablement perturber de manière plus ou moins forte.
Lorsque les besoins de productions alimentaire ou de matière première nécessitent de limiter les dégâts dus à la faune sauvage, la régulation par le tir de certains individus est une méthode peu intrusive pour le reste du groupe, sans interférence liée à un produit qui agirait sur les hormones. Le tir ne fait que remplacer la prédation : que cette dernière soit effectuée par l’homme ou par un loup, ne change pas fondamentalement les choses, notamment si l’homme veille à ne pas tirer les plus beaux ou les plus gros spécimens.

Impacts pour les animaux

La contraception nécessite de capturer un très grand nombre d’animaux, car pour assurer son efficacité, elle doit concerner pratiquement l’entier d’une population, de façon renouvelée. Or une capture entraine un grand stress pour l’animal, sur le moment et les jours suivants, avec un comportement de fuite du secteur. Les captures ne sont d’ailleurs pas réalisées pendant la période chaude, afin d’éviter un risque de mort accru par surchauffe des animaux. La régulation telle que pratiquée à Genève (tir de nuit, quand les animaux sont hors forêt) permet de réaliser des tirs avec peu de stress. Il est possible de l’affirmer grâce au suivi d’animaux équipés de collier GPS. La détonation les surprend mais, après ce moment de surprise, la harde se calme. Certains recommencent à manger, d’autres restent plus attentifs. Les jours suivant le tir, le suivi GPS ne remarque pas de changement fondamental de comportement par rapport à l’utilisation de l’espace, démontrant l’absence de stress occasionné.
Plusieurs études indiquent par ailleurs des réactions importantes au niveau du point d’injection du contraceptif et sur les ganglions (l’inflammation purulente, raideurs etc.), même si on ne remarque pas d’altération de la mobilité. Il a également été observé des atrophies des testicules et une réduction du développement des bois sur les mâles ce qui démontre bien un dérèglement hormonal.

Cadre légal

Actuellement, aucun produit n’est homologué en Suisse pour la contraception de la faune sauvage libre. Réaliser un essai impliquerait d’obtenir une autorisation. L’Office fédéral de l’environnement (OFEV), autorité nationale en la matière, s’est par le passé déclaré défavorable à cette approche.
La loi cantonale sur la faune (LFaune; M 5 05) et son règlement d’application (RFaune; M5 05.01) abordent les questions de régulation des espèces animales et de prévention des dégâts commis par la faune indigène. La loi prévoit à son art.16 que les mesures de régulation peuvent être prises avec une autorisation du Conseil d’Etat pour autant que des mesures préventives aient été réalisées en amont.
Le règlement, sans être exhaustif, mentionne comme mesures préventives des actions ou des installations (pose de clôtures ou répulsifs) qui repoussent ou empêchent les animaux s’accéder à un lieu. La loi ne précise pas si la contraception est une méthode de régulation ou une mesure préventive. Mais l’objectif et l’intention des deux méthodes (tirs et contraception) consiste bien à réguler une espèce dès lors qu’il s’agit de contrôler et maitriser son évolution. L’administration estime donc que ces deux méthodes doivent être considérées comme de la « régulation ».

Contexte régional

Il s’agit également de prendre en compte la situation de Genève avec ses frontières avec la France et le canton de Vaud. Il est difficile d’imaginer développer un tel projet sans une coordination régionale ; la question d’un soutien de ces autres entités territoriales se pose car celles-ci gèrent la régulation des espèces par la chasse. De plus, comme la chasse a pour but de se nourrir avec les animaux tirés, se pose aussi la question d’absorber la chair des animaux concernés. La pratique veut qu’un animal ayant reçu le contraceptif soit marqué, cependant la marque peut tomber… Bien que la plupart des études montrent une dégradation rapide du produit, il est probablement plus sage de privilégier à cet égard le principe de précaution.

Aspects pratiques

Un animal sauvage recevant un premier contraceptif doit être capturé pour être identifié et marqué. Ensuite, il est possible de lui injecter les contraceptifs les années suivantes par le tir d’une fléchette hypodermique. Cette fléchette doit être retrouvée pour s’assurer que la dose prévue a bien été injectée et éviter que le produit se retrouve dans la nature. Pour des raisons techniques, ce genre de tir ne peut être effectué à plus de 30 m.

Actuellement aucune méthode utilisée à Genève ne permet de capturer un grand nombre d’animaux sauvages de façon suffisamment efficiente. Pour l’instant, le canton a renoncé à certaines techniques de captures plus efficaces en terme de nombre d’animaux capturés mais bien plus intrusives et stressantes pour ces derniers.

Quand les tentatives de captures se prolongent, un effet d’adaptation a été observé et il devient de plus en plus difficile de re-capturer les animaux. En terme d’heures, capturer un animal demande bien donc plus d’efforts qu’un tir de régulation. Ainsi, sur un projet de suivi du sanglier à Jussy, il a fallu 6 fois plus d’heures pour attraper un animal que pour le tirer (pour le même laps de temps, 30 sangliers capturé pour 164 régulés).

Autres expériences

Une revue de la littérature indique qu’une majorité des études arrive à la conclusion que la contraception seule n’est pas efficace pour contenir l’essor d’une espèce sauvage. Seule une étude sur des chevaux sauvages d’une île a montré un effet après 8 ans et une baisse des effectifs de 23% après 11 ans. Mais les rares évaluations en milieu ouvert démontrent que la contraception n’a pas réussi à avoir un effet suffisant sur les effectifs, notamment pour les raisons pratiques évoquées.